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8 mars 2020

La thématique de la preuve des agressions

La thématique de la preuve des agressions sexuelles constitue une illustration topique de la conciliation entre le droit à la sécurité et le droit à la sûreté. D’une part, les agressions sexuelles, et particulièrement le viol, font l’objet d’une importante réprobation sociale [1][1]N. BAJOS, M. BOZON, « Les agressions sexuelles en France :… et donc d’une attente répressive de la part de l’opinion publique ; corollairement, elles sont fortement punies par les juges [2][2]A ce titre, le viol, au regard des peines prononcées, est le…. D’autre part, la présomption d’innocence suppose que l’accusation apporte la preuve de la commission de l’infraction ; et, si le juge décide selon son intime conviction, il a pour impératif de motiver la décision rendue [3][3]Art. 365-1 C. pr. pén. pour la Cour d’assises (cela n’induit…, donc, en cas de condamnation, il doit exposer les éléments traduisant l’existence de l’infraction et permettant de conclure à la culpabilité. Ainsi, alors que le droit à la sécurité impose de tout mettre en œuvre pour sanctionner effectivement les auteurs d’agressions sexuelles, dans le même temps, le procès pénal doit respecter la sûreté de la personne mise en cause.

2La liberté sexuelle. Les agressions sexuelles viennent protéger la liberté sexuelle qui peut être présentée comme « le droit de faire ce que l’on veut avec son sexe à condition de ne pas porter atteinte à la société ou aux tiers »[4][4]F. CABALLERO, Droit du sexe, op. cit., n°6, p.9.. Il s’agit d’une liberté individuelle protégée au titre de la vie privée. De ce fait, la Cour européenne des droits de l’homme impose aux États de ne pas porter atteinte à la liberté sexuelle [5][5]CEDH, 22 octobre 1981, Dudgeon c/ Royaume-Uni (§61), requête… et de permettre son épanouissement [6][6]CEDH, 25 mars 1992, B. c/ France, D. 1992, p.323, note…. L’exercice de cette liberté sexuelle doit se faire dans le respect de l’ordre public, cela justifie dès lors la prohibition de certains comportements qui affectent cet ordre public et portent atteinte à la liberté sexuelle du tiers victime [7][7]Les États doivent criminaliser et réprimer de manière effective….

3Les incidences en matière probatoire de l’arsenal répressif entourant la sexualité du mineur. En matière d’infractions sexuelles, s’est progressivement développé en France un mouvement de « surarmement pénal » [8][8]J. DANET, Justice pénale, le tournant, Gallimard, coll. Folio… ; la multiplication des dispositions législatives en vue de la répression des infractions sexuelles a instauré un véritable régime pénal spécial [9][9]X. LAMEYRE, « Du régime pénal spécial appliqué, en France, aux… qui prend corps à travers le droit pénal de fond et le droit pénal de forme [10][10]A savoir, définitions des comportements élargies, extension du…. Corrélativement, le droit pénal porte une attention particulière à la protection de la sexualité du mineur. A cet effet, Christine LAZERGES évoque un « maquis d’incriminations » prévues au titre de la prohibition de la pédophilie [11][11]Ch. LAZERGES, « Politique criminelle et droit de la…. Ainsi, différentes infractions sont établies de manière à protéger la dignité [12][12]Enregistrement de l’image d’un mineur présentant un caractère…, la moralité [13][13]Corruption de mineurs (art. 227-22 C. pén.), propositions… ou la liberté sexuelle [14][14]Atteintes sexuelles (art. 227-25 et s. C. pén.). du mineur ; dans le même sens, des circonstances aggravantes répriment plus sévèrement les violences sexuelles commises à l’encontre d’un mineur [15][15]Art. 222-24 C. pén. pour le viol, art. 222-28 et s. C. pén.…. Les particularités du droit pénal à propos de la sexualité du mineur [16][16]Stigmatisant davantage encore les comportements sexuels commis… se justifient par une prise en considération législative du fait que les infractions sexuelles sont majoritairement commises au sein du cercle familial [17][17]Ch. LAZERGES, « Politique criminelle et droit de la… et que la victime a souvent moins de 18 ans [18][18]N. BAJOS, M. BOZON, « Les agressions sexuelles en France :…. Ces spécificités du droit pénal dans le domaine des infractions sexuelles entraînent des conséquences en matière probatoire. Ainsi, dans le cadre des atteintes sexuelles, infraction sexuelle supposant un contact physique, les exigences probatoires sont minimales : outre la qualité de l’auteur et de la victime [19][19]L’âge de la victime doit être relevé par les juges qui le…, seule doit être démontrée l’existence d’un acte de nature sexuelle. L’atteinte au consentement n’est pas exigée pour caractériser cette infraction, le législateur estimant que le mineur ne dispose pas d’un consentement valable du fait de son âge ou des rapports entretenus avec l’auteur des agissements. Ainsi, la particularité de l’infraction, tenant à la minorité, a pour conséquence de réduire les exigences probatoires [20][20]En outre, participant d’un mouvement facilitant la…. Corollairement, le législateur a instauré des dispositions visant à faciliter la dénonciation des atteintes sexuelles et donc leur preuve. Tout d’abord, la loi du 17 juin 1998 a intégré le délit d’atteinte sexuelle à l’article 434-3 du Code pénal sanctionnant ainsi sa non-dénonciation. Cette disposition complète l’article 434-1 qui réprime la non-dénonciation de crimes (parmi lesquels le viol) [21][21]Les proches de l’auteur ou du complice du crime et les…. Cet impératif de dénonciation dispose d’une influence sur la question probatoire ; si ces articles imposent la seule révélation de l’infraction, l’auteur des déclarations sera nécessairement par la suite interrogé et devra dès lors apporter des précisions à sa révélation initiale, parmi lesquelles notamment l’identité de la personne soupçonnée, sous peine d’être sanctionné au titre de l’article 434-12 du Code pénal réprimant le refus, par une personne ayant déclaré publiquement avoir connaissance d’un crime ou d’un délit, de répondre à des questions posées par un juge [22][22]Ph. BONFILS, « Non-dénonciation de crime », in J.-Cl. Pénal…. Ensuite, l’article 226-14 du Code pénal avance l’ordre ou l’autorisation de la loi comme justification à la révélation d’un secret professionnel. Parmi ces exceptions figure l’autorisation pour le professionnel de révéler une atteinte sexuelle. Une nouvelle fois, suite à sa révélation, le professionnel pourra être interrogé ; or, l’article 434-12 du Code pénal n’envisage pas sa qualité comme lui permettant de refuser de répondre aux questions posées. La minorité de la victime, et donc sa fragilité, justifie que le législateur instaure des dispositions propres à la protéger. Il répond, ainsi, aux attentes de l’Europe des droits de l’homme autorisant l’État à contourner la liberté sexuelle et à intervenir dans le domaine de la sexualité dès lors que des raisons particulièrement graves le justifient [23][23]CEDH, 17 février 2005, K.A. et A.D. c/ Belgique (§84), requêtes…. L’édiction de textes spécifiques assurant la protection du mineur emporte pour conséquence une exigence probatoire réduite (au regard des éléments constitutifs de l’infraction) et une répression facilitée (par une incitation à la révélation).

4Liberté sexuelle et consentement. L’élément essentiel de la liberté sexuelle réside dans la notion de consentement. Celle-ci a été mise en exergue par la Cour européenne des droits de l’homme, par l’application du concept d’autonomie personnelle à la liberté sexuelle [24][24]CEDH, 17 février 2005, K.A. et A.D. c/ Belgique, requêtes…. Dès lors que l’acte sexuel est consenti, le droit au respect de la vie privée emporte pour conséquence que l’État n’a pas à intervenir [25][25]Voir cependant CA Grenoble, 11 mars 2009, JurisData…, seules des raisons particulièrement graves peuvent justifier, au titre de l’article 8§2 de la Convention, une ingérence des pouvoirs publics dans le domaine de la sexualité [26][26]CEDH, 17 février 2005, K.A. et A.D. c/ Belgique (§84), requêtes…. Le consentement, corollaire de la liberté sexuelle, est au centre de l’infraction d’agression sexuelle puisque l’article 222-22 du Code pénal exige, outre la preuve d’un acte sexuel, la démonstration d’une atteinte au consentement de la victime.

5Les difficultés législatives à faciliter indirectement la preuve des agressions sexuelles. S’il faut convenir, en matière d’infractions sexuelles, de l’existence d’un régime pénal spécial dérogeant à nombre de dispositions de droit commun, il semble que la question probatoire constitue un obstacle à cette spécialisation. En effet, les règles de preuve, issues du principe fondamental de la présomption d’innocence, rendent malaisée une intervention législative en vue de les assouplir de manière à faciliter la démonstration de l’agression sexuelle. Si le droit relatif aux infractions sexuelles s’affranchit de nombre de règles du droit pénal commun [27][27]X. LAMEYRE, « Du régime pénal spécial appliqué, en France, aux…, il incombe toujours à l’accusation de faire la démonstration de la culpabilité ; la question probatoire semble l’un des seuls impératifs indépassables. Deux illustrations attestent de la difficile intervention législative, même indirecte, sur la question probatoire en matière d’infraction sexuelle.

6Tout d’abord, dans le cadre du viol entre époux, la loi du 4 avril 2006, consacrant la solution adoptée par la Cour de cassation [28][28]Crim., 11 juin 1992, Bull. crim. n°232 ; D. 1993, Jurisp.,…, affirme, au sein de l’article 222-22 du Code pénal, qu’une agression sexuelle peut être caractérisée quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et la victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage ; « dans ce cas la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire ». Bien que guidé par la volonté de lutter contre les violences faites aux femmes, le législateur de 2006 pose une véritable présomption légale valant jusqu’à preuve du contraire et donc plus difficile à renverser. C’est pourquoi la loi du 9 juillet 2010 est venue supprimer cette disposition [29][29]R. OLLARD, F. ROUSSEAU, Droit pénal spécial, Bréal, coll. Grand…. Cependant, la présomption d’innocence et les règles relatives à la preuve qui en sont issues supposent toujours que l’accusation apporte la preuve de l’atteinte au consentement. Ensuite, parmi les modalités d’atteinte au consentement prévues dans le cadre des agressions sexuelles, la loi du 8 février 2010 a précisé la notion de contrainte au sein de l’article 222-22-1 du Code pénal [30][30]Art. 1er de la loi n°2010-121 du 8 février 2010, Tendant à…. Celle-ci peut être physique ou morale ; surtout, le législateur donne une illustration de la contrainte morale qui peut « résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime ». Si ce texte n’évoque pas expressément la minorité, préférant l’idée de différence d’âge, il ressort de l’esprit de cette disposition et de la jurisprudence [31][31]Crim., 7 décembre 2005, Bull. crim. n°326 ; D. 2006, p.175,… qui l’a influencée que l’objectif est de protéger le consentement des plus jeunes. Selon la loi de 2010, la différence d’âge, couplée à l’autorité de droit ou de fait, peut emporter pour conséquence l’inexistence du consentement. Ainsi, le législateur pose une présomption de contrainte [32][32]Ch. GUERY, « Définir ou bégayer : la contrainte morale après la…, facilitant dès lors la preuve de l’atteinte au consentement du mineur [33][33]D. GERMAIN, « Le consentement des mineurs victimes…. La preuve de l’agression sexuelle commise sur un mineur par contrainte est facilitée, car elle se déduira d’une situation de fait ; il ne sera donc plus nécessaire de la démontrer. Cependant, dans le même temps, le législateur affecte les règles du droit pénal. En effet, cette définition de la contrainte morale induit un rapport ambigu entre les infractions d’agression et d’atteinte sexuelle : la présomption de contrainte entraîne une absence de nécessité de démonter l’atteinte au consentement. Surtout, le législateur établit une confusion entre les éléments constitutifs de l’agression sexuelle, dont relève la contrainte, et les circonstances aggravantes de minorité de 15 ans et d’autorité exercée sur la victime [34][34]Ch. GUERY, « Définir ou bégayer : la contrainte morale après la…. Or, il est de jurisprudence constante qu’un même fait ne peut être retenu au titre d’élément constitutif et de circonstance aggravante [35][35]Crim., 21 octobre 1998, Bull. crim. n°274 ; D. 1999, p.75, note…. Ainsi, les juges devront être vigilants quant à la démonstration de l’existence de l’infraction dans le cadre de leur motivation [36][36]Ch. GUERY, « Définir ou bégayer : la contrainte morale après la….

7Au regard de ces deux exemples, il semble que les orientations répressives du législateur, désireux de faciliter la démonstration des agressions sexuelles jugées comme particulièrement graves, aient des répercussions indirectes sur la question probatoire. Cependant, ces modifications législatives, outre une atteinte aux principes fondamentaux du droit pénal, sont marquées par une certaine incertitude quant à leur application.

8L’approche jurisprudentielle de la preuve des agressions sexuelles. Une condamnation pour agression sexuelle suppose la démonstration de l’existence d’un acte sexuel [37][37]Les juges du fond doivent spécifier l’existence d’un acte de… (plus spécifiquement une pénétration pour le viol [38][38]Crim., 23 octobre 1996, pourvoi n°95-82625. Crim., 15 janvier…), la finalité sexuelle recherchée par l’auteur [39][39]Crim., 13 novembre 2008, pourvoi n°08-85532. et l’usage de violence, menace, contrainte ou surprise, concomitamment à l’acte [40][40]Crim., 20 juin 2001, pourvoi n°00-88258., caractérisant l’absence de consentement de la victime [41][41]Crim., 17 septembre 1997, Bull. crim. n°302 ; RSC 1998, p.325,…. Ainsi, l’exigence probatoire se dédouble et suppose la démonstration de l’existence d’un acte sexuel et d’une atteinte au consentement ; fréquemment, la finalité sexuelle du comportement se déduit de la matérialité de l’infraction (sauf justification, notamment d’ordre médical, l’acte de nature sexuelle atteste de l’intention) [42][42]Si la finalité sexuelle de l’acte est évidente dans nombre…. Ces éléments s’apprécient in concreto[43][43]Crim., 8 juin 1994, Bull. crim. n°226. Crim., 7 décembre 2005,… et relèvent du pouvoir souverain des juges du fond [44][44]Crim., 13 mars 1984, Bull. crim. n°107, JCP G 1985, 20482, obs.…. La Cour de cassation veille à ce que l’agression sexuelle ait été caractérisée en tous ses éléments (même si, au-delà de la motivation, il n’est pas demandé aux juges de détailler les éléments de preuve qui ont emporté leur conviction [45][45]Crim., 28 septembre 2011, D. 2012, p.171, obs. Leprieur.). Ainsi, bien que le juge, dans le cadre de l’instruction ou du jugement, apprécie librement les éléments de preuve qui lui sont soumis, il doit tout de même motiver sa décision, énonçant les éléments déterminant la présence de charges suffisantes ou caractérisant l’infraction [46][46]S. GUINCHARD, J. BUISSON, Procédure pénale, LexisNexis, coll.….

9L’acte de nature sexuelle ne pose pas en soi de difficulté, il consiste en un attouchement ou une caresse impudique, et plus précisément une pénétration pour le viol [47][47]Voir cependant, T. corr. Saverne, 8 décembre 2011, Gaz. Pal. 5…. A propos des modalités d’atteinte au consentement, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale induit que la liste posée par l’article 222-22 du Code pénal est limitative. Cependant, les termes employés par le législateur sont suffisamment larges pour envisager de nombreux comportements, au point de se recouper ; ainsi, les violences peuvent être physiques mais aussi morales, renvoyant dès lors à la contrainte dont la menace est de surcroît une composante [48][48]Ph. CONTE, Droit pénal spécial, LexisNexis Litec, coll. Manuel,…. Le législateur envisage ainsi de nombreuses modalités d’atteinte au consentement de manière à assurer la répression des agressions sexuelles. L’application jurisprudentielle des notions de « violence, menace, contrainte et surprise » renvoie également à une approche répressive en ce que la Cour de cassation en effectue une lecture extensive ; ces notions bénéficient d’un important domaine d’application. Ainsi, l’acte de violence peut être très peu marqué ; outre l’hypothèse de coups, la jurisprudence analyse concrètement les capacités de résistance de la victime [49][49]Crim., 8 juin 1994, Bull. crim. n°226. Y. MAYAUD, « Les…, appliquant ainsi la violence à une victime n’ayant, du fait de la disproportion des forces, opposé que peu voire aucune résistance [50][50]Crim., 13 mars 1984, Bull. crim. n°107, JCP G 1985, 20482, obs.…. La contrainte peut, elle aussi, être faiblement marquée et résulter seulement d’une situation [51][51]Crim., 19 avril 2000, pourvoi n°99-83973. Contra : Crim., 15… ou de la passivité de la victime, due notamment à un état de faiblesse ou à une ivresse (provoquée par l’alcool, les médicaments ou des stupéfiants) [52][52]Crim., 18 décembre 1991, pourvoi n°91-85607. Contra : Crim.,…, qui n’induit pas nécessairement consentement à l’acte sexuel [53][53]Crim., 11 février 1992, RSC 1993, p.331, obs. Levasseur. Crim.,…. Selon la jurisprudence, la menace, si elle doit disposer d’un caractère sérieux [54][54]Crim., 5 juillet 1995, pourvoi n°94-84774., peut revêtir différentes formes : pression exercée sur la victime à l’aide d’une arme [55][55]Crim., 19 janvier 2005, pourvoi n°04-86303. Crim., 13 juin…, intimidation verbale [56][56]Crim., 7 août 1990, pourvoi n°90-83055. Crim., 18 mars 1998 :… ou chantage [57][57]Crim., 29 avril 1960, Bull. crim. n°225. Crim., 4 août 1988,…. Enfin, la surprise, qui consiste à tromper le consentement de la victime [58][58]Il s’agit d’un stratagème (Crim., 22 janvier 1997, Bull. crim.…, ne pouvant de ce fait opposer de résistance à l’acte sexuel, se trouve employée dans des hypothèses variées : déficience de la victime [59][59]Civ., 6 novembre 1961, D. 1961, p.733, note Holleaux ; Gaz.…, stratagème employé par l’auteur (hypnose, stupéfiants…) [60][60]Crim., 18 octobre 2006, pourvoi n°06-85924. Crim., 21 février…, notamment envers des mineurs (cadeaux, visionnage d’un film pornographique…) [61][61]Crim., 22 janvier 1997, Bull. crim. n°22 ; RSC 1998, p.325,…. S’il est difficile de procéder à une lecture autre que casuistique de cette jurisprudence relative à l’atteinte au consentement en matière d’agression sexuelle, il faut convenir d’une approche extensive des modalités d’atteinte au consentement, permettant dès lors d’en faciliter la répression [62][62]F. COCHEZ, I. GUITZ, P. LEMOUSSU, « Le traitement judiciaire…. Ainsi la preuve d’un des éléments constitutifs de l’agression sexuelle (le défaut de consentement) se trouve facilitée, notamment par l’appréciation in concreto opérée par les juges. Cependant, cette lecture large de l’atteinte au consentement n’empêche pas la Cour de cassation de se montrer vigilante quant à la motivation des juges du fond. En effet, de manière à ce que la présomption d’innocence et les règles de preuve soient respectées, la Chambre criminelle censure des décisions ne démontrant pas suffisamment l’atteinte au consentement, notamment la contrainte [63][63]Crim., 17 mars 1999, Bull. crim. n°49 ; D. 2000, Somm., p.32,…, et se contentant d’affirmer que « les faits sont d’une gravité exceptionnelle » [64][64]Crim., 11 mai 2005, pourvoi n°04-85811. ou que « les déclarations des victimes sont fiables » ou « crédibles » [65][65]Crim., 17 mars 1999, Bull. crim. n°49 ; D. 2000, Somm., p. 32,…. Une telle vigilance de la Cour de cassation est essentielle, car une approche extensive de l’atteinte au consentement peut entraîner certains excès répressifs de la part des juges du fond [66][66]Voir en ce sens, CA Nîmes, Ch. accus., 9 décembre 1983 et…. Malgré les difficultés probatoires, tenant à l’ancienneté des faits ou à l’absence d’élément matériel, rendant malaisé pour le juge l’établissement du défaut de consentement [67][67]R. KOERING-JOULIN, « Brèves remarques sur le défaut de…, il incombe à la Cour de cassation de sanctionner une motivation défaillante [68][68]Ainsi, à propos d’une victime mineure, cassation de la décision…. A l’inverse, la Chambre criminelle peut adopter une position parfois plus souple : en validant certaines décisions de juges du fond, au titre de la peine justifiée [69][69]Crim., 18 juin 2003, pourvoi n°02-87216. Crim., 31 mars 2004,… ou encore en se retranchant derrière l’appréciation souveraine des juges du fond [70][70]R. KOERING-JOULIN, « Brèves remarques sur le défaut de….

10Éléments probatoires et intime conviction. Les infractions sexuelles sont soumises à certaines difficultés probatoires. Tout d’abord, comme toute infraction, leur exécution suppose une certaine dissimulation. Ensuite, il s’agit d’infractions pour lesquelles il n’est pas toujours aisé de disposer d’éléments matériels permettant de prouver leur réalisation (à l’inverse de la découverte d’une arme dans le cadre d’un homicide ou de l’objet dérobé pour une atteinte juridique aux biens) [71][71]Difficulté probatoire accentuée dès lors que l’infraction…. A l’aune de la nécessaire conciliation entre une répression effective des infractions sexuelles et la protection des libertés individuelles, quel regard porte le juge sur la preuve des agressions sexuelles ? La présomption d’innocence impose à l’accusation la démonstration de l’acte de nature sexuelle et de l’atteinte au consentement. Quels sont les éléments susceptibles d’emporter la conviction du juge ? En effet, si certaines espèces permettent au juge de se référer à des éléments extrinsèques aux protagonistes, ils sont parfois confrontés à un défaut de preuve matérielle et donc à une opposition entre deux discours ; cette dernière éventualité est favorisée par le rallongement des délais de prescription et le recul du point de départ du délai lorsque l’infraction est commise sur un mineur ; certes de telles dispositions se justifient par le fait que majoritairement les victimes d’infractions sexuelles sont mineures [72][72]Lors de l’enquête sur le contexte de la sexualité en France,…, cependant, l’écoulement du temps, particulièrement au regard de l’exigence probatoire, devrait induire un renoncement à la répression [73][73]Ch. LAZERGES, « Politique criminelle et droit de la…. Enfin, ces questionnements sur la preuve de l’agression sexuelle s’avèrent d’autant plus importants que cette infraction, du fait de politiques publiques incitatives, est désormais de plus en plus dénoncée [74][74]A propos du viol, voir V. LE GOAZIOU, Le viol, aspects….

11Il ressort de la jurisprudence que pour démontrer l’existence d’une agression sexuelle, les juges se fondent sur un faisceau d’indices qui comprend différents éléments probatoires : aveu, témoignage, preuve matérielle ou faits similaires mis en exergue par l’enquête, expertise médico-légale ; surtout, en matière d’infraction sexuelle, une attention particulière est portée aux protagonistes, leur comportement, leurs déclarations, aux expertises mentales opérées ou encore au portrait qu’en dresse l’entourage. De l’ensemble de ces éléments probatoires, il est possible de distinguer les preuves objectives (expertises, indices) des preuves subjectives (témoignage, aveu) [75][75]O. BACHELET, « La hiérarchie des preuves », in G.…. Cette distinction est purement doctrinale car il n’existe pas de hiérarchie au sein des modes de preuve du fait du principe de l’intime conviction. Cependant, certaines preuves ne disposent-elles pas d’une force prépondérante pour emporter la conviction des juges ? En outre, en l’absence d’acte de violence, si ceux-ci n’ont pas laissé de traces ou plus généralement à défaut d’élément matériel, ce qui est d’autant plus fréquent si l’infraction a été dénoncée tardivement, le juge peut être confronté à une opposition argumentative. Comment le magistrat justifie-t-il sa décision en l’absence d’éléments extérieurs aux protagonistes, c’est-à-dire face aux seules déclarations de la victime et de la personne mise en cause ? Alors qu’une enquête plus efficace permet au juge de disposer de davantage d’indications en vue de forger sa conviction (I), l’éventualité d’une absence d’élément corroborant les déclarations des parties subsiste, rendant dès lors plus difficile sa mission (II).

I – Une enquête efficace au soutien de la décision du juge

12La Cour européenne des droits de l’homme insiste sur la nécessité de mener une enquête en matière d’infraction sexuelle, et ce même en l’absence d’élément matériel permettant d’étayer les dires de la victime. Dans un arrêt M.C. contre Bulgarie en date du 4 décembre 2003 [76][76]CEDH, M.C. c/ Bulgarie, 4 décembre 2003, requête n°39272/98., la Cour européenne affirme que « les États ont l’obligation positive, inhérente aux articles 3 et 8 de la Convention, d’adopter des dispositions en matière pénale qui sanctionnent effectivement le viol et de les appliquer en pratique au travers d’une enquête et de poursuites effectives » (§153) ; les États doivent assurer « la criminalisation et la répression effective de tout acte sexuel non consensuel, y compris lorsque la victime n’a pas opposé de résistance physique » (§166). Si l’enquête doit prêter attention aux preuves directes d’une infraction sexuelle, elle ne peut pour autant délaisser les autres circonstances, parmi lesquelles les déclarations de la victime (§182).

13Corrélativement à un accroissement des dénonciations des infractions sexuelles et à une plus grande sévérité des juges, à partir des années 70, l’enquête a été marquée par une efficacité accrue et une progression du taux d’élucidation [77][77]G. VIGARELLO, Histoire du viol, XVIe-XXe siècle, Seuil, 1998,…. Outre les actes classiques d’enquête (A), la preuve dite « scientifique » (B) a grandement participé à l’amélioration des investigations en matière d’infraction sexuelle et, de ce fait, à la démonstration de l’agression sexuelle devant les juges.

A – L’établissement par l’enquête d’éléments probatoires corroborant les déclarations des parties

14Les actes d’enquête. Nécessairement, la prise de décision à propos d’une infraction sexuelle est plus aisée dès lors que les juges disposent d’éléments matériels au soutien des déclarations des parties. Ces éléments objectifs sont issus des investigations menées dans le cadre d’une enquête policière ou d’une instruction préparatoire. Leur existence permet d’accréditer les propos de la victime ou, inversement, de faire la démonstration d’une accusation mensongère.

15Ainsi, un transport sur les lieux [78][78]Principalement en cas de flagrance, art. 54 C. pr. pén., des perquisitions et saisies [79][79]Art. 56, 76 et 92 C. pr. pén., respectivement pour les enquêtes… peuvent se révéler essentiels pour démontrer l’innocence ou la culpabilité d’une personne suspectée d’avoir commis une infraction sexuelle. Par ces actes d’investigation, les enquêteurs peuvent retrouver des vêtements appartenant à la victime [80][80]Crim., 9 octobre 2002, pourvoi n°02-85358., une vidéocassette, des revues ou ouvrages pornographiques dont la consultation a été évoquée par la victime dans son récit des faits [81][81]Crim., 6 mars 2002, pourvoi n°01-85413. Crim., 11 mai 2005,…, des photographies ou un enregistrement vidéo des rapports sexuels incriminés [82][82]Crim., 27 avril 2000, pourvoi n°00-80827. Crim., 20 août 2003,… ou encore constater la disposition des lieux ou procéder à une reconstitution de manière à vérifier les dires de la victime [83][83]Crim., 6 mars 2002, pourvoi n°01-85413. Crim., 11 mai 2005,….

16Les investigations menées par la police ou le juge d’instruction peuvent également mettre en exergue le constat de faits similaires susceptibles d’être reprochés à la personne mise en cause ou le témoignage d’un tiers permettant de corroborer les dires de la victime. Ainsi, l’établissement de l’existence de plusieurs victimes dont les déclarations sont concordantes est susceptible d’emporter la conviction du juge [84][84]Crim., 9 avril 1997, pourvoi n°96-84331 (agression sexuelle…, a fortiori si le mode opératoire pour l’agression sexuelle est identique [85][85]Crim., 11 mai 2006, pourvoi n°05-86110 (gestes déplacés d’un…. De même, le témoignage d’un tiers venant attester d’un élément factuel et/ou corroborer les déclarations de la victime peut emporter la conviction des juges [86][86]Crim., 20 juin 2001, pourvoi n°01-82577 (témoin attestant du… ; cependant, même en cas de concordance avec les dires de la victime, le témoignage doit permettre de caractériser l’agression sexuelle (particulièrement l’atteinte au consentement), à défaut de quoi, sans élément complémentaire, les juges ne peuvent entrer en voie de condamnation ou présenter le mis en cause devant la juridiction de jugement [87][87]Crim., 23 octobre 1996, pourvoi n°95-82625 (les témoignages…. Inversement, si le témoin atteste que les déclarations de la victime sont erronées, les juges s’orientent, à défaut d’autres éléments, vers un non lieu, une relaxe ou un acquittement [88][88]Crim., 26 mai 2004, pourvoi n°03-84075..

17La reconnaissance des faits. Le temps de l’enquête peut aussi être l’occasion d’une reconnaissance des faits par la personne mise en cause. Malgré la précaution législative, édictée à l’article 428 du Code de procédure pénale, selon lequel, au titre de l’intime conviction, l’aveu est laissé à la libre appréciation du juge, et bien qu’une reconnaissance des faits doive être observée avec beaucoup de réserve en ce qu’elle constitue une preuve fragile [89][89]D’autant plus que cette reconnaissance des faits peut n’être…, il relève de la motivation des juges du fond que ce mode preuve dispose d’un rôle important dans la démonstration de l’existence d’une infraction sexuelle. Nécessairement, une reconnaissance des faits, d’autant plus si elle conforte les déclarations de la victime [90][90]Crim., 29 septembre 1992, Bull. crim. n°288. Crim., 3 avril… ou d’autres éléments probatoires, permet aux juges d’entrer en voie de condamnation ou de mettre en accusation [91][91]Crim., 6 avril 1993, pourvoi n°93-80185 ; Crim., 8 décembre…. Fréquemment, lorsque la personne mise en cause sait que les enquêteurs disposent de témoignages et/ou qu’il existe plusieurs victimes dont les déclarations sont concordantes, elle n’a guère intérêt à nier les faits [92][92]Il en va ainsi pour une personne soupçonnée d’avoir violé…. En cas de reconnaissance des faits, la personne mise en cause peut opter pour un moyen de défense consistant à justifier son comportement, en minimisant les faits (les caresses incriminées se sont déroulées lors de scènes de chahuts, les actes reprochés constituaient en fait un jeu…) [93][93]Crim., 20 juin 2001, pourvoi n°00-87351. Crim., 14 novembre…, en mettant en cause la victime et sa moralité (celle-ci aurait aguiché l’agent…) [94][94]Crim., 20 juin 2001, pourvoi n°00-87351. Crim., 18 juin 2003,…, un tiers (la mauvaise influence d’une mère…) [95][95]Crim., 31 mars 2004, pourvoi n°03-83155., en arguant du consentement de la victime à des rapports sexuels violents [96][96]Crim., 12 octobre 2011, pourvoi n°11-85474., en avançant l’excuse de l’ivresse ou médicamenteuse [97][97]Crim., 17 mars 2004, pourvoi n°03-82226., ou encore, dans l’hypothèse d’une infraction sexuelle commise par un personnel de santé, en affirmant que l’acte était d’ordre médical [98][98]Crim., 12 mars 2003, pourvoi n°02-85120. Crim., 16 mars 2005,…. Outre la maladresse inhérente à un tel système de défense, il renvoie le plus souvent au mobile qui en droit pénal s’avère inopérant pour écarter l’infraction.

18Enfin, le temps de l’enquête peut permettre aux parties de se constituer elles-mêmes des preuves, notamment des enregistrements audio au sein desquels la personne suspectée reconnaît en tout ou partie les faits reprochés ou démontrant une pression exercée par le mis en cause en vue d’orienter des déclarations faites à la justice [99][99]Crim., 22 septembre 1999, Bull. crim. n°195 ; D. 2000, Somm.,…. Selon la Cour de cassation, aucune disposition légale ne permet d’écarter un moyen de preuve remis par un particulier au seul motif qu’il aurait été obtenu de façon illicite ou déloyale, les juges doivent en apprécier la valeur probatoire après l’avoir soumis à une discussion contradictoire [100][100]Crim., 7 décembre 2011, pourvoi n°11-80.224. Crim., 31 janvier…. Les juges peuvent donc se fonder sur des preuves obtenues par la partie civile pour entrer en voie de condamnation pour agression sexuelle dès lors que celles-ci ont été discutées contradictoirement.

B – De la nécessaire prudence devant entourer l’analyse de la preuve scientifique

19L’obtention d’une preuve scientifique. La preuve scientifique constitue un acte d’enquête pouvant s’avérer déterminant pour emporter la conviction des juges. Le vocable « preuve scientifique » renvoie à un mode probatoire faisant intervenir, éventuellement par l’intermédiaire d’une personne qualifiée, un procédé relevant d’une science ou d’une technique particulière de manière à éclairer les enquêteurs ou le juge. Les domaines concernés sont extrêmement variés : médecine légale, balistique, graphologie, biologie, toxicologie… La psychologie et la psychiatrie disposent d’une place particulière au sein des expertises car elles suscitent davantage de controverses que d’autres sciences, notamment en ce qu’elles induisent une plus grande subjectivité [101][101]J.-N. COUMANNE, « Pour une éthique de l’expertise….

20Ces preuves sont obtenues, dans le cadre du procès pénal, principalement par les examens techniques ou scientifiques mis en œuvre et contrôlés par un officier de police judiciaire et/ou le procureur de la République [102][102]Art. 60 et 77-1 C. pr. pén., respectivement pour les enquêtes… et les expertises décidées par une juridiction d’instruction ou de jugement [103][103]Art. 156 et s. C. pr. pén.. Sans pour autant devoir être confondues, ces deux mesures sont relativement proches. Selon la Cour de cassation, l’article 77-1 du Code de procédure pénale confère au procureur de la République, agissant en enquête préliminaire, le pouvoir de charger toute personne qualifiée de missions techniques ou scientifiques de même nature que celles qui peuvent être confiées aux experts par le juge d’instruction en application de l’article 156 du même code [104][104]Crim., 14 septembre 2005, Bull. crim. n°226 ; RSC 2006, p.412,…. Ainsi, « l’expertise est au juge d’instruction ce que l’examen scientifique est à l’officier de police judiciaire »[105][105]S. GUINCHARD, J. BUISSON, Procédure pénale, op. cit., n°624,….

21Au cours d’une enquête ou d’une instruction, il peut être demandé à un spécialiste de fournir des renseignements sur l’état psychiatrique ou psychologique d’une personne placée en garde à vue pour agression sexuelle [106][106]Crim., 2 décembre 1997, pourvoi n°97-84972., à un psychologue de procéder à un examen des victimes de viols [107][107]Crim., 18 mars 1997, pourvoi n°96-82989. CA Rouen, Ch. corr.,… ou à l’accomplissement d’un examen médical (permettant d’établir des traces de violences ou de sperme venant étayer les déclarations de la victime) [108][108]Crim., 12 octobre 2011, pourvoi n°11-85474., gynécologique de la victime d’un viol (permettant de déterminer l’existence d’une défloration, d’une pénétration éventuellement forcée) [109][109]Dans le cadre d’une enquête policière : Crim., 6 avril 1993,… ou d’ordre toxicologique en vue de d’établir une éventuelle absorption d’un produit ayant pour effet de réduire la vigilance ou de causer une amnésie [110][110]CA Lyon, Ch. corr., 10 novembre 2009, dossiers n°09/01630 et…, l’examen peut enfin porter sur les vêtements, en vue notamment d’y retrouver des traces de sperme [111][111]CA Lyon, Ch. corr., 10 novembre 2009, dossiers n°09/01630 et…. Les examens ou expertises pratiqués concernent principalement la victime de l’infraction sexuelle car c’est sur son corps que d’éventuelles traces peuvent être retrouvées ; un examen médical de la personne mise en cause n’a d’intérêt que si, par exemple, la victime dénonce les faits rapidement et affirme avoir commis un acte de violence envers son agresseur, manifestant son refus de l’acte sexuel [112][112]M. BORDEAUX, B. HAZO, S. LORVELLEC, Qualifié viol, op. cit.,….

22Le regard du juge sur la preuve scientifique. En matière d’agression sexuelle, ces preuves scientifiques sont soit inexistantes (ce qui est fréquent lorsque les faits sont anciens), soit présentes, mais susceptibles alors d’être observées comme des preuves idéales [113][113]A. BLANC, « L’audience » in dossier, « Les violences…. Or, tel n’est pas le cas ; à titre d’illustration, dans le cadre d’une infraction sexuelle, la preuve scientifique peut consister en une expertise génétique permettant de démontrer que les deux protagonistes ont été en présence l’un de l’autre, qu’il y a eu un contact entre leurs deux corps ou encore rapport sexuel [114][114]En ce sens, voir F. BELLIVIER, « Infractions sexuelles et… ; cependant, outre qu’elle ne peut être avancée que pour des faits récents, cette preuve scientifique n’établit pas l’atteinte au consentement nécessaire à la caractérisation de l’agression sexuelle. Une analyse comparative d’ADN n’apporte que la certitude d’un élément biologique et non d’une culpabilité ou d’une innocence [115][115]A. MOUSTIERS, « Preuve et biotechnologies : l’utilisation des…. C’est pourquoi, la preuve par ADN, et plus généralement la preuve scientifique, ne peut être considérée comme la « reine des preuves », particulièrement en matière d’infraction sexuelle ; elle ne peut être utilisée à titre exclusif et ne constitue qu’un acte d’investigation parmi d’autres [116][116]F. BELLIVIER, « Infractions sexuelles et empreintes…. Ainsi, les enquêteurs et le juge ne doivent pas tomber dans l’écueil de l’attrait de la certitude scientifique. A ce titre, il peut être regretté qu’en pratique ce mode de preuve puisse avoir une très grande influence lors de l’enquête : interrogatoires et témoignages construits à partir des conclusions scientifiques, tentation d’obtenir des aveux de la personne mise en cause par l’expertise, abandon de certaines pistes initialement envisagées… [117][117]E. DAOUD, C. GHRENASSIA, « L’expertise à l’épreuve de la…. De même, lors de la phase de jugement, il faut convenir qu’il est difficile d’écarter les conclusions d’une expertise scientifique sans avancer de sérieux éléments probatoires [118][118]H. ANCEL, « La preuve biologique », op. cit., p.203-205. Voir…. En effet, la preuve scientifique, et notamment la médecine légale, dispose d’une prépondérance certaine pour emporter la conviction, particulièrement en matière d’agression sexuelle [119][119]H. ANCEL, « La preuve biologique », op. cit., p.142-143. Ph.….

23Au regard de la jurisprudence, il semble que, dès lors que les déclarations de la victime sont étayées par un élément extérieur et objectif, les juges soient davantage enclins à condamner ou ordonner la présentation du mis en examen devant la juridiction de jugement. Ainsi, une preuve dite scientifique ou certains éléments apparus lors de l’enquête sont susceptibles d’emporter la conviction des magistrats. Mais un aspect essentiel de la question probatoire en matière d’agression sexuelle réside dans le fait que, fréquemment, ces éléments matériels sont inexistants, les juges devant porter la plus grande attention aux déclarations des parties de manière à prendre leur décision.

II – Le rôle prépondérant de la parole

24Si l’emploi et la lecture d’éléments probatoires matériels sont particulièrement utiles pour faire la démonstration d’une infraction sexuelle, c’est la parole des parties qui reste prépondérante. D’une part, ces éléments matériels ne viennent qu’éclairer la parole des protagonistes, d’autre part, dans de nombreuses espèces, aucun élément matériel ne permet d’étayer les propos tenus par les parties. D’ailleurs la Cour de cassation a pu souligner qu’« en matière de crimes sexuels, commis en principe sans témoin, la parole de la victime s’oppose à celle de l’agresseur désigné »[120][120]Crim., 4 avril 2007, pourvoi n°07-80253.. Ainsi, de manière à forger leur conviction, les juges vont étudier les deux discours qui leur sont présentés (A), notamment en mettant en œuvre des techniques de valorisation de ces discours (B).

A – L’opposition de deux argumentations

25Particulièrement lorsqu’ils ne sont étayés par aucun autre élément probatoire, les discours de la victime et de la personne mise en cause doivent faire l’objet d’une lecture minutieuse.

26Le discours de la victime : les accusations. Dès lors que la victime s’est constituée partie civile, elle se soumet à la procédure : auditions, confrontations, examens médicaux ou gynécologiques, expertises psychologiques ou psychiatriques, enquête de personnalité. D’autant plus qu’en matière d’agression sexuelle, des investigations poussées sont nécessaires de manière à démontrer l’atteinte au consentement [121][121]V. LE GOAZIOU, Le viol, aspects sociologiques d’un crime, op.…. S’il faut convenir de la « lourdeur » de la procédure pour la victime, une telle démarche s’avère indispensable pour éviter tout aléa procédural du fait de l’absence d’élément matériel attestant de l’infraction, comme ce fut le cas dans l’affaire d’Outreau où les diverses déclarations accusatrices ont initialement été présentées comme la vérité tant par les enquêteurs que les experts psychologues [122][122]A. GARAPON, D. SALAS, Les nouvelles sorcières de Salem. Leçons…. Il est, en effet, nécessaire de faire montre de prudence à propos des déclarations de la victime. Celles-ci peuvent être imprécises ou erronées, voire mensongères et guidées par différents motifs : jalousie, vengeance ; particulièrement pour les mineurs, leurs déclarations peuvent être manipulées par l’un des deux parents (notamment en cas de séparation pour priver l’autre parent d’un droit de visite ou d’hébergement).

27Devant une absence d’élément matériel, une grande attention sera portée aux déclarations de la victime : son récit des faits, le comportement qui a été le sien suite à l’acte (les juges observant ainsi la concordance du comportement de la victime avec celui attendu abstraitement d’une personne placée dans les mêmes circonstances), les motivations d’une révélation immédiate ou tardive des faits…

28Les juges vont donc s’intéresser au discours de la victime dans le cadre de la procédure mais aussi aux éléments qui entourent ce discours, à savoir le comportement de la victime.

29Ainsi, les juges vont prêter attention aux modalités de la révélation des faits, au processus de dévoilement dans le temps. Divers signes, susceptibles de passer inaperçus, vont également être pris en considération ; à titre d’illustration, lorsque la victime est mineure, il est possible de prendre connaissance et d’interpréter son journal intime, de s’interroger sur une fugue, une baisse des résultats scolaires, des comportements inhabituels, des troubles du langage… [123][123]F. COCHEZ, I. GUITZ, P. LEMOUSSU, « Le traitement judiciaire…. Le discours de la victime peut être complété par les déclarations de son entourage susceptible d’apporter des indications sur la crédibilité de celle-ci [124][124]Crim., 21 août 1995, pourvoi n°94-85814 (irrecevabilité du…, mais surtout de présenter sa réaction suite à l’infraction [125][125]V. LE GOAZIOU, Le viol, aspects sociologiques d’un crime, op.… (comportement après les agissements incriminés [126][126]Crim., 13 juin 2007, pourvoi n°07-82499 (pour une victime qui a…, état physique et psychique de la victime suite à l’acte [127][127]Crim., 6 avril 1993, pourvoi n°93-80185 (état de choc de la…, circonstances du recueil des premières confidences [128][128]Crim., 14 novembre 2001, Bull. crim. n°239. Crim., 18 janvier……). Si le juge ne dispose pas d’éléments supplémentaires suffisamment éloquents, il importe que les déclarations de l’entourage soient assez nombreuses, concordantes et révélatrices de l’état de la victime [129][129]Crim., 23 octobre 1996, pourvoi n°95-82625 (irrecevabilité du… ; il ne faut pas que de telles déclarations puissent être interprétées par le juge comme des témoignages de complaisance. Le discours de la victime va ainsi être recontextualisé.

30Les juges s’intéressent également à la forme des déclarations faites par la victime tout au long de la procédure : modalités du recueil de la parole de la victime, particulièrement lorsqu’elle est mineure (des enquêteurs sont formés au recueil de telles déclarations) [130][130]F. COCHEZ, I. GUITZ, P. LEMOUSSU, « Le traitement judiciaire…, identités des propos tenus tout au long de la procédure, discussion autour d’éventuelles variations, déclarations circonstanciées ou non de la victime, maintien des déclarations lors des confrontations [131][131]Crim., 2 décembre 1997, pourvoi n°97-84972. Crim., 28 mars…. Particulièrement, les juges font fréquemment référence à cette dernière mesure dans le cadre de leur motivation à propos d’une infraction sexuelle. En effet, la confrontation s’avère particulièrement adaptée dès lors que deux discours s’opposent. Ainsi, les déclarations faites lors d’une confrontation disposent de davantage de valeur que des accusations lointaines. De surcroît, si le juge ne recourait pas à un tel procédé, la défense pourrait lui reprocher [132][132]T. CRETIN, « La preuve impossible ? De la difficulté…. Cependant, l’issue d’une confrontation ne constitue pas une garantie ; notamment lorsque la victime est mineure, une simple attitude ou un regard de la personne mise en cause peut infléchir ses déclarations [133][133]T. CRETIN, « La preuve impossible ? De la difficulté….

31Le discours de la personne mise en cause : la négation des faits. Comme pour la victime, il est nécessaire de prêter attention au contenu des déclarations de la personne mise en cause : dénégations constantes ou variables au cours de la procédure [134][134]Crim., 2 décembre 1997, pourvoi n°97-84972. Crim., 24 février…, intégrales ou partielles, convaincantes ou manquant de cohérence (et dès lors susceptibles d’affecter sa défense [135][135]Crim., 13 juin 2007, pourvoi 07-82499.), mais aussi, en amont, à son comportement et/ou ses déclarations suite à l’acte [136][136]Crim., 22 septembre 1999, Bull. crim. n°195 (tentative de….

32La personne mise en cause peut choisir de nier les faits qui lui sont reprochés, soit parce qu’elle est innocente, soit par stratégie de défense [137][137]Lorsque les faits sont niés, la personne mise en cause peut…. Dans cette dernière hypothèse, plusieurs circonstances peuvent amener la personne mise en cause à nier les faits. Dès lors que les résultats de l’examen médico-légal ne permettent pas de corroborer la plainte de la victime, la personne mise en cause peut nier les faits, ou tout le moins l’atteinte au consentement (alors les juges doivent impérativement se référer à d’autres éléments probatoires pour démontrer l’existence de l’infraction [138][138]Crim., 15 décembre 1999, pourvois n°99-86233 et n°99-80532, JCP…) ; ou encore, si cet examen ne permet pas de démontrer l’acte de pénétration, la personne mise en cause peut admettre un acte de nature sexuelle sans reconnaître la pénétration [139][139]M. BORDEAUX, B. HAZO, S. LORVELLEC, Qualifié viol, op. cit.,…. Également, lorsque les faits sont anciens, l’agent a intérêt à nier tout acte de nature sexuelle plutôt que de nier seulement l’atteinte au consentement, cela lui évite d’avoir à s’expliquer sur les conditions d’obtention des rapports sexuels [140][140]Ibid., p.175..

33Dès lors que la personne mise en cause nie les faits, il incombe à l’avocat de la défense, d’une part, de mettre en valeur l’authenticité des propos de son client, et d’autre part, de remettre en cause le discours de la partie adverse. Un tel exercice s’avère délicat pour l’avocat de la défense qui, sans attaquer trop vivement la partie civile, doit tenter de démontrer l’existence de raisons ayant amené à ces accusations réfutées (vengeance, jalousie, immaturité…) [141][141]E. ABOUCAYA, « Défendre les auteurs de violences sexuelles,… ou insister sur les incertitudes susceptibles d’émailler les déclarations de la victime. Selon Francis CABALLERO, il peut être difficile pour celui qui est soupçonné d’une agression sexuelle de se disculper en prouvant que la victime était en fait consentante [142][142]Pour se faire, il lui faudra notamment démontrer que la victime….

34Au-delà des deux discours en eux-mêmes, il est nécessaire pour le juge de faire appel à d’autres éléments permettant de déterminer le crédit à leur accorder.

B – La valorisation des discours

35Divers éléments, tels l’enquête de personnalité, l’établissement d’antécédents judiciaires, les propos tenus par l’entourage et/ou l’expertise mentale, peuvent participer à une forme de valorisation du discours des parties. Ces éléments disposent d’une grande utilité lors de l’audience qui revêt une importance essentielle à propos des agressions sexuelles. En effet, d’une part, la gravité de l’infraction suppose un rôle fondamental tenu par l’audience pour la découverte de la vérité, l’affaire d’Outreau en atteste ; d’autre part, l’affect est très présent dans le cadre des infractions sexuelles, ce qui confère un rôle d’autant plus important à l’audience. En outre, cette étape du procès pénal va permettre aux juges de mettre en perspective l’ensemble des preuves recueillies au cours de l’enquête ; surtout, ils vont pouvoir observer la concordance entre la description de la personnalité faite par l’entourage et l’expertise psychologique et le comportement des protagonistes à l’audience.

36L’expertise mentale. Les expertises psychologiques ou psychiatriques ont pris une place prépondérante en matière d’infraction sexuelle [143][143]A. BLANC, « L’audience » op. cit., p.15. Ch. GUERY,…. « L’expertise mentale permet d’apprécier tant la responsabilité et la dangerosité de la personne poursuivie que la crédibilité de la victime »[144][144]A. VAISSIERE, L’expertise judiciaire en matière pénale, Thèse….

37L’expertise de l’article 156 du Code de procédure pénale peut être ordonnée par une juridiction d’instruction ou de jugement pour toute question technique. Elle peut donc être d’ordre psychologique ou psychiatrique et concerner tant la personne mise en cause que la victime. De même, lors de l’enquête, au titre des articles 60 et 77-1 du Code de procédure pénale, des constatations ou examens techniques ou scientifiques, notamment psychologiques ou psychiatriques, peuvent être effectués sur la victime et la personne soupçonnée [145][145]Crim., 18 mars 1997, pourvoi n°96-82989 (pour un examen…. En outre, selon l’article 706-47-1 du Code de procédure pénale, la personne poursuivie pour une des infractions figurant à l’article 706-47 du même code (parmi lesquelles les infractions sexuelles) doit se soumettre à une expertise médicale avant tout jugement sur le fond, permettant notamment de déterminer l’opportunité d’une injonction de soin ; cette expertise peut être ordonnée au stade de l’enquête par le Procureur de la République. Si le texte avance une expertise médicale, rien n’exclut qu’elle soit d’ordre mental [146][146]Ch. LAZERGES, « Politique criminelle et droit de la….

38Ainsi, tout au long de la procédure, le discours de chacune des parties peut faire l’objet d’une analyse par un spécialiste. Envers la personne mise en cause, la mission du psychologue consiste à donner « une analyse psychodynamique de la personnalité, une analyse précise des capacités intellectuelles et cognitives »[147][147]Ch. GUERY, « L’expertise psychologique sert-elle l’intime… ; plus particulièrement, l’étude porte sur le profil de personnalité, la dynamique de passage à l’acte et l’appréciation de possibles évolutions notamment à l’aune d’un accompagnement psychologique [148][148]R. COUTANCEAU, « Expertise psychiatrique pénale », in G. LOPEZ,…. L’expertise psychiatrique évalue le discernement de l’individu au moment de l’infraction et formule un avis sur l’existence d’une pathologie ou de troubles du comportement [149][149]F. COCHEZ, I. GUITZ, P. LEMOUSSU, « Le traitement judiciaire…. Pour la victime, l’expertise psychologique ou psychiatrique vise à décrire sa personnalité, rechercher les conséquences des actes dénoncés et apprécier sa crédibilité [150][150]R. COUTANCEAU, « Expertise psychiatrique pénale », op. cit.,….

39Les expertises psychologiques et psychiatriques présentent nombre d’avantages. Elles permettent de faire intervenir un tiers extérieur, dépositaire d’un savoir, au soutien du juge [151][151]Ch. GUERY, « L’expertise psychologique sert-elle l’intime…, elles disposent ainsi d’un lien fort avec la conviction des juges, principalement en cas d’absence d’autres éléments probatoires [152][152]Ibid., p.32.. Outre l’aide à la prise de décision qu’elles constituent, elles permettent au juge de personnaliser une éventuelle peine. Dans le cadre d’une opposition de deux argumentations, les expertises psychologiques ou psychiatriques apportent au juge des éléments pertinents pour évaluer la personnalité du mis en cause et de la victime et donc leurs discours respectifs.

40L’expertise mentale de la personne mise en cause. Pour la personne soupçonnée, l’expertise peut venir étayer certains éléments probatoires existants. Ainsi, lorsque le mis en cause reconnaît des actes de nature sexuelle tout en essayant de se justifier par un motif éducatif, l’expert peut évaluer et discuter un éventuel regret avancé par la personne soupçonnée [153][153]Crim., 20 juin 2001, pourvoi n°00-87351.. Ou encore, pour un viol commis dans le cadre d’une soirée, l’expert peut conclure qu’au regard de la personnalité de l’agent, la consommation d’alcool a pu favoriser le passage à l’acte [154][154]Crim., 7 mars 2007, pourvoi n°06-89230.. Cette expertise peut, en outre, venir éclairer l’enquête de personnalité ordonnée par le Procureur de la République ou le juge d’instruction (articles 41 et 81 du Code de procédure pénale) visant à déterminer la situation matérielle, familiale et sociale de la personne mise en cause [155][155]Selon la Chambre criminelle, cette enquête de personnalité doit…. L’expertise participe dès lors à l’existence d’un faisceau d’indices et éclaire la personnalité du mis en cause permettant au juge de prendre la décision la plus opportune. Mais l’expert dispose d’un rôle plus déterminant encore en l’absence de preuve matérielle et de témoin direct. Il apporte un éclairage dans le cadre de l’opposition argumentative entre la victime qui maintient ses accusations et la personne mise en cause qui les conteste. Ainsi, l’expert peut notamment conclure que le profil de la personne mise en cause correspond aux déclarations de la victime (par exemple un individu manipulateur et pervers, se préoccupant de son seul plaisir…), permettant ainsi aux juges de condamner ou de présenter l’agent devant la juridiction de jugement [156][156]Crim., 16 janvier 2008, pourvoi n°07-87621..

41L’expertise mentale de la victime. Si l’expertise psychologique de la victime permet d’apprécier les traits de sa personnalité [157][157]Notamment un état de choc qui pourrait être dû à la commission…, les juges portent principalement leur intérêt sur les conclusions relatives à la crédibilité des propos tenus [158][158]A noter que les psychologues ne se prononcent pas sur la…. En effet, « les fausses allégations sont surtout à discuter dans les infractions pour lesquelles les constatations objectives ou les preuves matérielles font défaut, au premier rang desquelles les agressions sexuelles »[159][159]C. JONAS, « Crédibilité », in G. LOPEZ, S. TZITZIS (dir.),…. Fréquemment, dès lors que la victime est présentée comme crédible, cela emporte condamnation ou renvoi devant la juridiction de jugement [160][160]Crim., 18 juin 2003, pourvoi n°02-87216 (crédibilité des…. Mais à défaut de preuve matérielle ou d’un témoin corroborant les déclarations jugées crédibles de la victime il n’est pas possible d’entrer en voie de condamnation [161][161]Ch. GUERY, « L’expertise psychologique sert-elle l’intime… ; la présomption d’innocence impose une telle solution [162][162]En ce sens, voir Crim., 17 mars 1999, Bull. crim. n°49, D.…. Cependant, la Cour de cassation a pu approuver des juges ayant condamné pour agression sexuelle en se fondant sur la crédibilité des déclarations faites par la victime en l’absence d’élément matériel ou de témoin [163][163]Voir en ce sens, A. VAISSIERE, L’expertise judiciaire en…. Bien que dans de telles hypothèses le discours des parties soit scrupuleusement analysé et recontextualisé, « en utilisant l’expertise de crédibilité de la victime comme élément de preuve de la culpabilité, les magistrats opèrent une grave confusion entre la vérité du sujet et la matérialité des faits »[164][164]Ch. BOUIRRIER, A. ROQUES, « L’influence de l’expert psychiatre….

42La prudence du juge envers l’expertise mentale. Par l’importante place qu’il confère aux expertises mentales, le domaine des infractions sexuelles est révélateur des risques qui entourent l’expertise : incertitude de l’analyse expertale [165][165]A titre d’illustration, deux psychologues peuvent ne pas avoir…, expert susceptible de dépasser le cadre de sa mission [166][166]Selon la Cour EDH, au titre de la présomption d’innocence, un…, influence excessive de l’analyse expertale sur l’intime conviction du juge [167][167]En début d’audience, devant la Cour d’assises mais aussi en…. D’une part, la réponse souvent d’ordre général présentée par l’expertise psychologique ne peut constituer une garantie pour le juge [168][168]T. CRETIN, « La preuve impossible ? De la difficulté… ; d’ailleurs une réponse d’ordre général est préférable à une affirmation au sein de laquelle l’expert avancerait la crédibilité de la victime pour en déduire qu’elle a effectivement subi l’agression sexuelle, l’expert ne peut se substituer au juge [169][169]L. BELLON, Ch. GUERY, « Juge et psy : la confusion des…. D’autre part, c’est avec prudence que le juge doit prendre connaissance des conclusions d’un expert [170][170]A. VAISSIERE, L’expertise judiciaire en matière pénale, op.…. En tant que telles, les expertises mentales ne constituent qu’un élément dans la prise de décision du juge [171][171]En ce sens, Crim., 26 mai 2004, pourvoi n°03-84075 (la Cour de…. Même en l’absence d’autres preuves, le juge doit tenir compte de l’attitude de la personne mise en cause et de la victime, de la façon dont leurs paroles respectives ont été recueillies, du maintien de l’accusation (y compris lors de confrontations) ou de dénégations, du contexte dans lequel serait survenu l’acte. C’est pourquoi, ces éléments se retrouvent dans nombre de motivations des juges du fond.

43* * *

44Des aveux ou des preuves matérielles s’avèrent déterminants pour le juge en vue de forger sa conviction ; leur existence au soutien des déclarations de la victime permet d’entrer en voie de condamnation pour agression sexuelle. Mais l’absence de tels éléments, et donc l’opposition de deux argumentations, n’enferme pas le juge dans un simple rôle d’arbitre, il se doit de rechercher la vérité. Si la présomption d’innocence doit primer, cette opposition de deux récits peut être suffisante pour que le juge puisse établir son intime conviction, cela impose seulement aux parties de présenter une argumentation raisonnée, d’évoquer les faits et leur contexte [172][172]A. BLANC, « L’audience », op. cit., p.15.. Dans le cadre de la preuve des infractions sexuelles, l’ensemble de la chaîne pénale est mobilisée pour que le juge se détermine sur la culpabilité de la personne mise en cause, malgré l’absence d’éléments matériels. Ainsi, les enquêteurs doivent être vigilants avec le recueil de la parole des parties, particulièrement si la victime est mineure, le magistrat instructeur doit veiller à la concordance des déclarations lors de la procédure, observer si elles sont maintenues à l’identique, même en cas de confrontation, enfin, lors du jugement, les magistrats doivent prêter un grand intérêt à la personnalité des parties, leur comportement et leurs traits de caractère, de manière à se forger une conviction. « L’objectif principal poursuivi par le droit de la preuve demeure la recherche de la vérité, et plus précisément l’établissement d’une vérité sociologique acceptable par tous » ; ce qui suppose une preuve fiable et crédible [173][173]Ch. AYELA, « Le droit de la preuve en France », Gaz. Pal. 14….

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